Rencontre avec le blog

Notre première conversation s’est ouverte sur un simple bonjour, je crois que je peux tenter une innovation, soyons audacieux :

Hello ?

Je me suis amélioré avec le temps. J’ai regardé quelques séries en version originale, je pratice a lot.  Je ne sais pas trop comment débuter notre dialogue, mes doigts sont rouillés et les mots ne coulent plus comme une source jaillissante. Je suis le petit cours d’eau qui sort péniblement des abîmes, je goute encore la terre humide et mon débit est ridiculement faible. Je ne sais plus comment t’adresser la parole, toi, le blog. Mon vieil ami. Je me retrouve devant toi, comme je pourrais me retrouver devant un lointain ami d’enfance. Nos vies se sont souvent croisées, on a partagé tellement de choses ensemble. Et puis le temps file, encore et toujours, lui ne s’arrête jamais sur le bord de la route. Moi, je suis resté à quai pendant quelques instants. Je flânais comme toujours, perdu dans mes considérations contemplatives. Quelque part dans le décor, derrière les derniers rayons d’un soir d’été. Toi, le blog, tu es parti avec les feuilles d’automne. Besoin d’air, rien à dire, pas le temps. Trucs lapidaires qui nous laissent sans voix et sans voie. Tu as disparu sans laisser de traces, pas même un petit mot pour nous rassurer. Je ne te blâme pas, les temps ne sont pas faciles l’ami. Parfois, il faut savoir tout laisser derrière soi et prendre un bol d’air frais. C’est important de respirer. Je comprends ton envie de solitude, pourquoi ennuyer les autres avec ses tracas de la vie quotidienne ? Ce n’est pas très intéressant, pas très enrichissant. Parfois, il faut accepter la fuite. Se taire et attendre que les beaux jours reviennent. Tu m’as toujours dit, vieux camarade, que le silence était d’or et que tu préférais te manifester lorsque les choses le nécessitaient. C’est un appel intérieur, un cri de l’âme qui nous pousse l’un vers l’autre. Comme toutes les vieilles amitiés, il est inutile de garder le contact au quotidien. Je sais que si j’ai besoin de te parler – de moi à moi en quelque sorte – tu seras là immédiatement, pour tendre une oreille attentive et amicale. Je peux compter sur toi, je le sais. On ne s’est pas causé depuis un bail maintenant, pourtant nous sommes là. L’un devant l’autre, nous nous faisons face. Moi contre moi. On ne lutte pas contre le monde entier, mais avant tout contre soi-même. C’est une bataille intérieure, comme toujours.

Cinq minutes auparavant, je ne savais plus comment t’aborder. Je te trouvais austère. Tu as pris quelques rides aussi. Je pensais me retrouver prisonnier des éternelles banalités, celles qui nous acculent entre : « Alors quoi de neuf ? » et « Comment va la vie pour toi ? » – Euh. Same old shit you know. Je ne suis pas doué pour les mondanités tu sais bien. Les questions de politesse me figent instantanément. Je suis l’animal qui traverse la route, je me crois tranquille et deux phares agressifs me mettent soudainement en lumière. La voiture me fonce dessus. A la base, Je voulais juste traverser la route et passer de l’autre côté. Pour regarder pousser l’herbe. Enfin tu vois le genre, je crois que tu me comprends. Tu es mon éternel compagnon, tu commences à saisir quelques bribes de mes élucubrations. Tu sais : les routes, la vie et les métaphores alambiquées que tu es le seul à comprendre. Et voila. Je pensais me retrouver devant toi, évoquer quelques lieux communs et me voici comme toujours : allongé sur le divan. Je divague une nouvelle fois, donne moi donc un peu de ton opium. Une nouvelle fois, laisse mon cerveau s’embrumer et s’engouffrer dans ses méandres.

Je devrais peut-être te souhaiter une bonne année vieux frère, mais je ne sais pas. L’idée me dérange. Je n’aime pas souhaiter ce genre de choses, c’est comme espérer la paix dans le monde pour moi. C’est une chose bien trop grande. Le genre de concept qui me dépasse, je suis focalisé sur moi-même et c’est déjà assez éprouvant comme ça. Je penserai à toi, je serai à ta disposition si quelque chose dérape dans cette future année. Cette promesse est plus fiable que les éternels voeux du premier janvier. Et puis. Et puis… Il faut se le dire, maintenant qu’on a bu quelques verres ensemble et que l’ivresse des mots nous gagne. 2011, quelle année de merde. On en a bavé jusqu’au bout. On en a chié par tous les trous si je peux me permettre. Je suis bien content d’en finir. Je n’ai rien fait d’extraordinaire pour les fêtes. Tu sais bien, tu me connais à force. Les grandes soirées où tout le monde doit s’amuser, j’ai un peu de mal. J’ai passé le réveillon de Noël en peignoir rouge avec des motifs de flocon de neige. La grande classe. Je mets les grands plats dans les assiettes de tous les jours. Je me ressource. Là. Dans ce canapé vert. Auprès d’elle. Je n’ai besoin de rien d’autre finalement. Bon vent 2011 ! L’année qui aura essayé de nous achever jusqu’au bout. Quoi ? Je ne t’avais pas raconté ? On ne se parle vraiment plus assez tous les deux. Un grain de poivre a failli achever ma moitié, comme ça, bêtement. Une chose si minuscule peut créer un bazar terrible. Asphyxie, étouffement et panique à gogo. Je te raconte même pas. Mais l’espace d’un instant, j’ai vu ma copine tomber, prendre la voix de Jeanne Moreau sur le déclin façon E.T et « la graaaaaaaande famille du cinémaaaaa » et finir son rôti vaille que vaille. Mais 2011, vieille salope, tu as essayé de nous avoir jusqu’au bout. Tu ne nous tueras pas, nous sommes invincibles.

Et je te parle et je te parle encore, vieille branche. On est partis pour refaire le monde encore en 2012. Il paraît que c’est l’année de l’apocalypse. Si tu savais le nombre de fin du monde qu’on a évité en 2011. Je suis blindé. La fin des temps peut arriver, j’en ai vu d’autres. Je suis plus armé que Buffy la tueuse de vampires. Je t’attends année 2012 : déploie tes flammes, tes tremblements de terre, tes orages et tes bras menaçant. Invoque toutes les forces de destructions possibles et imaginables. Je t’attendrais fermement, les pieds solidement ancrés à terre. L’oeil défiant. Il ne restera peut-être plus qu’un tas de gravas après ton passage, mais je n’aurai pas bougé d’un pouce. Rien dans les mains, rien dans les poches comme dirait l’autre. Je n’ai toujours rien à perdre. Je t’attendrai sur cette bonne vieille route et son asphalte éternelle. Tu comprends pourquoi je ne peux pas te souhaiter bonne année petit blog ? Elle ne s’annonce pas forcément belle et facile, je le sais déjà. Ou alors elle sera à ranger aux côtés de ces beautés détruites par le temps, qu’on jugera magnifique avec le recul. La seule certitude de l’histoire c’est que le temps s’écoulera toujours trop lentement, toujours trop vite. Inévitablement frustrant.

Je vais devoir te laisser.

Ta visite m’a fait rudement plaisir. Je ne sais pas quand on pourra se revoir. Je t’appelle à l’occasion, il faut vraiment qu’on tente de se voir plus régulièrement.

Comment ?

Tu n’es pas dupe je sais. On ne se reverra pas d’un moment ? C’est fort possible. Je ne peux même pas te le dire. Mais tu habites toujours dans un recoin de mon esprit, il faut que tu le saches. Tiens, au fait, les anciens voisins me demandent toujours comment tu te portes. Madame Inspiration se languit de toi, Monsieur Rêve m’a donné son bonjour l’autre matin. Il me parle souvent de toi, tu te rappelles de lui je pense, avec son air complètement fou et iconoclaste. Avec ses dents qui tombent toujours et ses bus toujours en retard… Ah ah et la fois où il a oublié son pantalon, tellement drôle ! Enfin, il faut vraiment que je te lâche.  Je ne sais pas trop comment te quitter. Mes au-revoir sont souvent maladroits. Un flot de pensées positives m’envahit mais quelqu’un vient toujours fermer le robinet à ce moment précis. De fait, rien de très constructif n’en ressort. Mais ce n’est pas un adieu définitif. Oh, je ne te fixerai aucun rendez-vous. Tu connais l’animal sauvage maintenant. Je te croiserai dans la rue, au hasard de mes déambulations. J’aime beaucoup l’idée de la rencontre en apparence fortuite. Comme aimantés par une force supérieure, nous nous retrouverons.

Je ne t’embête pas plus, bonjour à tout le monde là-bas. De l’autre côté du miroir.

Mes sincères salutations.

Elles le sont.

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