Ça y est, on est déjà revenus de notre petit voyage à Rennes.
Je n’ai pas grand chose de pertinent à raconter aujourd’hui, rien de bien neuf à partager, pas de découverte révolutionnaire et pourtant, je ressens le besoin de revenir sur les quelques semaines qui ont précédé. L’été a vraiment mal commencé : le moral en berne, le stress, le bruit et les problèmes de bouffe sont venus plomber les deux tiers de la belle saison. Malgré trois semaines plus ou moins agréables en Belgique, je n’avais pas réussi pas à faire taire les démons tyranniques qui s’amusent avec mes nerfs depuis quelques mois. En toute honnêteté, je n’avais pas envie d’aller à Rennes, je n’avais plus envie de voir personne, plus envie de rien en fait, seulement d’une paix intérieure et extérieure. J’ai passé une semaine à chialer nuit et jour sur ma condition de pauvre fille qui a tellement peur de grossir qu’elle préfère arrêter de vivre. A ce stade, je ne sais pas si pleurer me faisait encore un quelconque bien, à part ce bref sentiment de vide béat éprouvé après une crise. Crise qui se répétait jusqu’à ce que le sommeil prenne le dessus sur toute chose annihilant de fait mes craintes pour quelques trop rares heures. Le mois de juillet n’aura pas été constructif, j’ai bien cru que j’allais abandonner et je voulais en premier lieu remercier ma mère pour la discussion que nous avons eue le week-end dernier qui m’a permis de m’accrocher encore un peu. Des bonnes résolutions ont été mises en place, on voit un point blanc au fond du gros tunnel de merde, on a encore les yeux un peu englués et la peur aux tripes, mais on sait qu’au fond, quand on regardera en arrière dans quelques années, certaines choses ne seront plus que de mauvais souvenirs.
Je n’avais vraiment, vraiment pas envie d’aller à Rennes et d’affronter la bouffe chez quelqu’un d’autre que ma mère. J’avais peur d’un jugement, d’une incompréhension mutuelle, j’avais peur que mes troubles ne créent une tension supplémentaire et ne fasse péter la corde qui me relie à Arnaud depuis 8 ans. J’ai pris le train lundi après-midi dans un état presque second après m’être persuadée qu’il me fallait affronter cette peur pour ne pas regretter la perte prématurée d’un ami. Max était là pour jouer les optimistes et me dire que ça se passerait bien, qu’après tout, il ne voyait pas pourquoi un ami de longue date m’enverrait chier pour une vague histoire de bouffe et de psychologie. Mais rien à faire, j’ai passé les cinq heures quarante qui nous reliaient à Rennes à lire pour oublier que j’allais me jeter dans la gueule du loup. J’ai potassé dans ma tête ces bons mots-sparadrap prononcés par ma mère, je me suis dit qu’un écart ne ferait pas de moi une grosse vache, que je pouvais me permettre d’avaler une cuiller d’huile. C’est tellement facile à dire, c’est tellement facile d’annoncer subitement : ça y est, demain je m’y remets, demain, je recommence à bouffer. Le truc c’est que demain, c’est toujours demain et que je n’arrive pas à me tenir à ce que je dis, malgré l’immonde peur qui s’empare de moi à l’idée de perdre des êtres chers à cause d’une histoire de kilogrammes. J’ai beau dire « oui, je ferai attention, je vais manger un peu plus », je ne pense qu’au jour où sur ma balance s’affichera le chiffre d’une perte bien méritée, comme sournoise récompense de trois semaines à crever la dalle en devenant maboule. C’est un cercle vicieux, c’est infernal, je passe trop de temps avec moi-même, trop de temps avec ce corps dont mon âme fait un rejet continuel.
J’ai passé cinq heures quarante à ne pas avoir envie d’arriver sur le quai. Comme toujours dans ce genre de cas, je ne me suis pas ennuyée une seconde et l’heure tant redoutée a sonné bien plus tôt que prévu. « Mesdames et messieurs, dans quelques instants notre train arrivera en gare de Rennes, terminus de notre train ». J’ai empoigné mon greffon par la main et ai affronté le quai comme un zombie, vide à l’intérieur, je flottais sur un nuage fangeux et mes pieds avaient bien du mal à répondre aux signaux de mon cerveau. Au loin, j’ai aperçu Arnaud et son inimitable veste rouge bouche d’incendie, un visage connu, c’est rassurant, mes craintes se sont presque dissipées à la seule vue de sa grosse barbe. La soirée a pourtant été un peu difficile, même si nous étions contents de nous revoir et de partager nos dernières petites anecdotes de la vie courante, je ne pensais qu’à une chose : « ne mange pas ces crackers japonais au wasabi, les crackers, c’est le mal, tu vas te transformer en boule de saindoux si tu manges le moindre de ce truc ». Pourtant, j’en ai avalé deux ou trois, c’est vrai, ça parait peu dit comme ça, mais c’était vraiment difficile. Le soir, dans le petit miroir de la salle de bains, j’ai vu mon ventre énorme comme un melon trop mûr prêt à exploser, j’ai eu envie de revenir sur les évènements de la soirée, de ficeler ma main à ma ceinture pour qu’elle ne puise pas ces putains de crackers. Je ne sais pas pourquoi, les jours suivants ont été plus faciles, peut-être parce que je n’avais pas l’occasion de focaliser continuellement sur moi-même. Arnaud est quelqu’un d’intéressant, de loin, la personne dont la discussion peut me captiver le plus longtemps, dans ses murs, je suis tout à fait à l’aise, je me sens comme chez moi si j’avais un chez moi, je peux vaquer à mes occupations et vérifier frénétiquement le contenu du frigo sans pour autant y puiser quoi que ce soit. Arnaud est tellement sympa qu’il a même acheté des carottes (que j’ai oubliées dans son frigo) alors qu’il déteste ça. J’ai rarement été reçue par quelqu’un d’aussi attentionné et ça m’a fait un grand bien.
Ces quatre jours sont passés un peu trop vite à mon goût, mais je crois que c’est aussi la clé du succès, on n’a pas le temps de s’ennuyer une seconde et quand on s’en va on se dit qu’on aurait dû rester plus longtemps. J’ai enfin pu me reposer, que dis-je, dormir, oui, pour de vrai, dans un canapé lit confortable, dans un appartement sans bruit en sachant que le lendemain serait un jour cool. Finalement, on n’aura pas fait grand chose mis à part les incontournables parties de jeux de société et l’après-midi pique-nique-shopping, mais on s’est vraiment bien amusés. Rennes est une ville jolie, agréable et remplie de boutiques très intéressantes. J’ai pu acheter des choses que je ne trouvais pas près de chez moi, un livre de fantasy, « La compagnie noire » et le jeu de société « Smallworld » que je recommande à tous les amateurs du genre. On a aussi beaucoup parlé du Trône de Fer (c’est promis, on vous en parlera bientôt, c’est comme la sortie de Diablo 3, quand vous ne l’attendrez plus, on vous pondra un article dessus) c’est fou ce que ce truc peut nous tenir le crachoir ! Puis Arnaud a toujours quelque chose à raconter, les univers qu’il crée pour ses jeux de rôles sont tellement fouillés qu’il aurait pu nous occuper des mois rien qu’en nous parlant de ça. Il y avait des petites choses super chouettes dans l’appartement d’Arnaud, son pommeau de douche nous manque déjà, sans parler de Munchkin, des tisanes et autres petites douceurs de qualité. C’est vrai, il y a un tas de très bonnes choses chez notre ami Breton : des truffes dans un petit pot à 20€ pièce, des confitures délicieuses, du Baileys, du chocolat au pain d’épice, un chouette traiteur sushi fusion, des tomates, du jambon, des kiwis et des yaourts 0% (bon ok, ça c’était juste pour moi mais quand même : MERCI). Très peu d’ombres au tableau en quelques sortes. J’ai failli concocter un article coup de gueule sur son coloc que j’ai trouvé bête et méchant, mais j’ai préféré me concentrer sur le positif même si ça ne vous intéresse probablement pas autant.
Enfin voilà, je n’ai pas la prétention d’avoir écrit quelque chose de formidablement recherché, je voulais juste remercier Arnaud qui a été extrêmement gentil et accueillant avec nous. Un hôte de choix, 9/10 (parce que la planche des toilettes ne tient pas et que je me suis coincée les fesses dedans). Je ne sais pas si ça va durer mais ces quelques jours en territoire breton m’ont fait un bien fou et je me sens requinquée, prête à affronter les mois qui suivent avec la conviction que tout va bien se passer, prête aussi à faire quelques efforts pour que le moral ne retombe pas aussi vite qu’il est monté. Maintenant, j’ai juste envie de profiter de l’instant, de me reposer un peu sans trop bouger à gauche à droite parce que j’ai eu mon compte des voyages pour un moment. En gros : les vacances ont enfin commencé !