J’ai vu : La première saison de Breaking Bad

La vie de couple entraîne, qu’on le veuille ou non une forme de routine. Des habitudes sont prises au fur et à mesure et bien souvent, les journées s’enchaînent et se ressemblent. Je pourrais difficilement m’en plaindre, après des années à errer sans me fixer, les petits rituels hebdomadaires me rassurent plus qu’ils ne m’irritent. L’un des plus important d’entre eux consiste à regarder un épisode d’une série télé avant de se coucher. On a pris l’habitude très rapidement, parce qu’on a tous les deux de sacrés problèmes de sommeil et que la télé permet bien souvent de déconnecter le cerveau. Seulement, pas question de céder à la facilité et de nous joindre à la joyeuse communauté des lobotomisés du bulbe avec leur poste allumé h-24 « pour avoir un fond sonore ». Regarder la télé doit rester un plaisir, la petite récompense de fin de soirée, le truc qui viendra boucler une longue journée éprouvante (ou pas d’ailleurs). Seulement, avec les chaînes nationales, on n’est pas gâtés, entre les téléréalités débiles ponctuées de pubs encore plus débiles du genre « pour savoir si ton ex a encore la trique en pensant à toi, envoie trique au 61212, trique au 61212″ et les innombrables séries policières on ne trouve pas notre compte. Je crois vous l’avoir déjà dit, en six mois, nous avons regardé la télé, à proprement parler trois fois, dont une fois pour voir un match de tennis. Restent alors, pour nous aider à trouver le sommeil deux solutions : les films et les séries télé. Les films c’est bien, ça raconte des histoires et ça permet de décrocher son cerveau pendant deux heures. Seulement voilà, au bout de quelques films, on s’est rendu compte que deux heures devant la télé tous les soirs, c’est beaucoup, ça nous bouffe une partie de la soirée et écourte les autres activités non moins appréciables de la nuit à savoir de longues conversation ponctuées de séances de jeux vidéo et des petites pauses lecture-massage indispensables à la survie de ma santé mentale. Bref, les films, c’est sympa de temps en temps, mais on n’en abuse pas. C’est bien vite que nous avons choisi la solution séries télé, avec des épisodes de moins d’une heure, elles ont l’avantage de nous aérer le cerveau sans nous ramollir complètement et au pire, si après le premier épisode le sommeil ne se pointe pas, on peut toujours en mettre un autre à la suite. Du coup, en un an, on en a écumé pas mal, des comiques, des « à suspense », des historiques, des fantastiques et j’en passe. Globalement, rien que du bon, mais là, en attendant la suite, après « Game of Thrones » (faut absolument qu’on vous parle plus en détails du trône de fer) on avait comme un vide. Alors, on a écumé les forums à la recherche de la nouvelle perle rare. Et on n’a rien trouvé de bien tentant, du coup, on a fini par se laisser tenter par Breaking Bad.

On ne sait plus vraiment qui nous en a parlé à l’époque où ça passait sur Arte, toujours est-il que c’est à ce moment là qu’on a pris connaissance de son existence sans trop oser y toucher. Pourquoi ? Parce que le sujet de base n’est pas des plus réjouissant. Breaking Bad, c’est avant tout l’histoire de Walt White, un type atteint d’un cancer du poumon en phase terminale, et ça, ça me rebutait un peu. Pourtant, partout sur la toile, une critique unanime et dithyrambique semblait désigner Breaking Bad comme LA série à ne manquer sous aucun prétexte. Du coup, dimanche soir, on s’est laissés tenter et on enchaîné la première saison (très courte) les jours suivants. Le synopsis tient sur quelques lignes : un prof de chimie de cinquante ans découvre qu’il est atteint d’un cancer du poumon et décide de se consacrer à la fabrication et à la revente de drogue pour assurer l’avenir financier de sa famille. Il se lie à un de ses anciens élèves, petit dealer et junkie occasionnel et se lance sur le marché du « Crystal Meth », cette drogue que je connais peu mais qui semble bien fonctionner aux USA. On s’attend de prime abord à tomber sur un clone de Weeds avec beaucoup d’humour et des personnages hauts en couleurs et on tombe finalement sur quelque chose de diamétralement opposé. Breaking Bad est une série à l’esthétique un peu dérangeante, dès les premières minutes, on se demande si on n’est pas malencontreusement tombé sur un épisode de Derrick, au bout d’un quart d’heure, on en vient à regretter que ce ne soit pas effectivement le cas. Autant le dire tout de suite, c’est assez vilain, avec un grain typé années 80 et des mouvements de caméra saccadés qui filent la nausée et des personnages aux physiques terriblement passe-partout. C’est tellement laid qu’on a d’abord cru qu’on était tombés sur un mauvais lien avec une qualité d’image cradingue et qu’on a cherché d’autres liens pour voir si on ne pouvait pas trouver mieux, en vain. Pourtant, on est restés accrochés devant le premier épisode comme des morpions sur une chatte touffue, sans vraiment savoir ce qui nous plaisait là-dedans. Et on s’est jetés sur la suite comme des bébés chats affamés sur une carcasse de poulet faisandée (elles sont belles mes métaphores, elles sont belles).

Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est le formidable jeu d’acteur de Bryan Cranston (certains reconnaîtront le papa de Malcolm dans la série du même nom), le mec joue juste, très juste, sans jamais tomber dans le pathos. Je dis ça en connaissance de cause, je suis moi-même sujette aux maladies des bronches et l’acteur principal tousse à la perfection, on en a la bile qui remonte, on a mal pour lui, c’est abominable. Vient ensuite l’ambiance générale, là, le grain pourri y est sans doute pour quelque chose. Oui, c’est laid, mais c’est la vie, vous en croisez souvent des petits paradis terrestres façon Wisteria Lane ou Agrestic ? Non ? Ben moi non plus. Ici, on est plongés en plein Nouveau Mexique, dans une famille de gens hyper moyens à la vie un peu triste mais terriblement réaliste. C’est le point fort de la série, les divers protagonistes sont comme vous et moi, on comprend leurs motivations, on se dit même que dans une situation semblable, on aurait agi de la même façon. On n’a pas affaire à une bande de super-héros parfaits, ni à des gens super lisses et tout beaux comme dans 85% de la prod américaine où toutes les nanas sont sculpturales, même les femmes au foyer désespérées qui ont eu cinq grossesses. Il n’y a pas beaucoup de personnages dans Breaking Bad, le tout s’articule autour du cancéreux, de sa famille proche (femme, fils, belle-soeur et beau frère) et de son partenaire le jeune dealer toxico. Ce dernier n’est pas en reste, derrière le cliché de l’adolescent tardif raté et un peu racaille sur les bords se cache un personnage fouillé, dont le manque de repères familiaux est palpable.

Chaque épisode raconte un petit bout de la vie de Walt, un savant mélange entre réflexions sur le cancer et fabrication de drogue, avec toutes les répercussions que cette activité peut avoir sur la vie de tous les jours. Car on s’en rend compte bien vite, n’est pas dealer qui veut, les premières erreurs de Walt l’entraînent dans une succession de mésaventures pour le moins glauques. Certaines scènes sont drôles, malgré le malaise omniprésent que nous inflige le visionnage de cette série. C’est comme dans la vraie vie, certaines situations funestes prêtent à rire, c’en est presque nerveux. Mais il s’agit principalement d’une série dramatique, c’est très déprimant, mais on reste scotchés malgré tout, alors qu’il ne se passe pas grand chose. Peut-être parce que nous sommes voyeurs, ou parce que nous reconnaissons en Walt quelqu’un qui nous aurait marqué, quelqu’un qui nous manque. Il y a beaucoup de choses qui prêtent à réfléchir, principalement sur la maladie, son acceptation par soi-même et ses proches, les choix qu’elle nous pousse à faire parfois au détriment même de nos propres convictions. Walt n’a pas envie de souffrir du traitement chimio-thérapeutique qui ne ferait que retarder ses derniers jours, pourtant, il doit faire face à un choix cornélien : accepter la mort et paraître égoïste aux yeux de sa famille ou entreprendre un combat perdu d’avance.

La première saison s’achève comme elle a commencé, sans le moindre suspense, sur une scène presque anodine, sans effusion de larmes ni de sang (quoique), comme s’achèverait simplement une journée moyenne si tant est que l’on soit dealer ou cancéreux. Bien sûr il nous tarde déjà de retrouver Walt et son acolyte, de plonger à nouveau dans le climat si particulier de la série, mais connaître le fin mot de l’histoire est loin d’être notre motivation première. Je ne saurais que vous conseiller de jeter un oeil sur Breaking Bad, quelles que soient vos motivations, vous risquez d’accrocher sans même vous en rendre compte. Cette série marque, prend aux tripes et tient éveillé, ce n’était pas vraiment le but de la chose mais tout compte fait, pourquoi pas.

 

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6 Responses to “J’ai vu : La première saison de Breaking Bad”

  1. o.bochelen dit :

    Ah le rituel TV avant de se coucher, on fait aussi ça :o P. C’est ponctué de pauses pipi et finalisé par une sortie des chichis dans la cuisine :)
    Et puis, ça fait du bien de se poser en fin de journée !

  2. Oph' dit :

    Sinon il te reste le pot de chambre ^^

  3. Oph' dit :

    Hop, ça y est, on a notre exemplaire de la saison 1 en DVD :) ça a intéret à être bien…

  4. Oph' dit :

    Ben on a commandé la saison 2 =)

    • Le Kebab dit :

      Je l’ai trouvée un poil moins bien, enfin surtout la fin. La chui à la 3 mais elle m’ennuie un peu, les perso perdent en humanité

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