Demain il pleut

Chers lecteurs,

Notre séjour en Belgique se poursuit. Au programme : shopping, cuisine, lecture, jeux vidéo et surtout repos. Pas de grandes sorties de prévues si ce n’est un hypothétique cinéma en fin de semaine prochaine. Les oiseaux chantent, le chien aboie, ma mère ronfle. Nous n’avons pas encore envie de rentrer. Nous espérons que vous vous portez bien, et que vous pouvez profiter du soleil, le grand absent de nos vacances.

Bises,

Max et le Kebab

 

Je l’avoue sans honte, je ne savais pas quoi écrire aujourd’hui. Je me suis assise devant l’ordinateur en attendant que le gâteau à la pêche que j’étais en train de cuire soit prêt à sortir du four. J’ai réfléchi, je n’ai pas trouvé grand chose. Je voulais vous parler de ma grand-mère, ce personnage incontournable de nos virées belges, mais, s’il y a matière à écrire sur elle, je n’en avais pourtant pas le courage aujourd’hui. Ma grand-mère est plus intéressante à raconter de vive voix, avec ses intonations si particulières et sa façon de vous laisser croire qu’elle est d’accord avec vous alors qu’elle vous trouve à côté de la plaque total mais qu’elle n’a juste pas envie de vous froisser. Ce matin, ma grand-mère a regardé mon splendide nouveau baggy G-Star tout déchiré avec horreur, elle a souri, m’a regardée, a regardé le pantalon à nouveau et a pu contenir, je ne sais comment un « ce n’est pas beau sais-tu ». Je l’en remercie, je n’étais pas d’humeur, je venais de m’étaler de tout mon long dans le sentier en glissant sur une limace tachant de ce fait mon magnifique slim boyfriend en velours côtelé bleu ciel délavé. Fin de la parenthèse grand-mère, fin des divagations vestimentaires. Aujourd’hui, j’ai mangé une pomme. Si ça vous déplait et que vous préférez quand je vais mal parce que j’ai plus de choses à raconter, je vous en prie, ne vous gênez pas et passez directement à la suite.

Aujourd’hui, je vais vous parler du temps en Belgique. Parce qu’il y a matière à raconter tout un tas de choses là dessus. Une fois n’est pas coutume, les clichés disent vrai : en Belgique, hé bien il pleut. Depuis notre arrivée, nous comptons sur les doigts d’une main les journées sans pluie, nous ne comptons pas du tout celles où nous avons pu nous poser une après-midi dehors en t-shirt. L’été en Belgique est une saison bien particulière qui n’a d’été que le nom. De juin à septembre, ça ressemble à un mois d’avril normal (sauf peut-être dans le sud où le mois d’avril ressemble à un mois de juin, mais tâchons de ne pas nous embrouiller). La température oscille la plupart du temps entre 17 et 21° mais en 10 jours, nous avons eu des variations comprises entre 13 et 35°, le tout avec des gros nuages, quelques éclaircies, du vent bizarre, du crachin collant et de la grosse pluie qui mouille jusqu’à dans ta culotte si t’as le malheur de te trouver au mauvais endroit au mauvais moment. C’est désagréable et surtout ingérable. Le plus difficile a été de faire nos valises et de choisir des vêtements en fonction. Il faut trouver des trucs passe partout, ni trop chauds ni trop froids mais relativement couvrants. Mais quoi qu’on fasse, on se plante systématiquement et on se retrouve avec un tas de trucs qu’on ne pourra pas porter et deux t-shirts à manches qui vont tourner non stop.

Le pire, c’est qu’il faut parfois changer de vêtements plusieurs fois sur une même journée. Prenons l’exemple de lundi dernier. Le matin : 27°, grand soleil, un léger vent frais. Nous sortons faire un tour en ville histoire de profiter des derniers rayons du soleil, parce qu’en Belgique, les premiers sont toujours les derniers. La tenue choisie : jeans t-shirt, petit pull au cas ou. Au bout d’une heure, on crevait de chaud comme des petits vieux en train de sécher dans leurs maisons de retraite par 40° à l’ombre. Un petit trajet en bus non climatisé et non aéré pour nous achever et une fois à la maison, on se fout à poils : une jupe sans rien en dessous (si ce n’est une culotte, ne rêvez pas trop) et un top léger tout large pour que l’air passe bien sous les bras. Le temps de préparer trois sandwiches et bam, la drache nationale comme on dit par ici. Alors au début, on est tout contents parce que ça rafraîchit un peu, puis au bout d’une demi-heure et autant l’avouer une petite danse sous la pluie, on finit par grelotter. Et rebelote, on retourne se changer à la salle de bains et on opte pour le t-shirt à manches avec le jeans du matin. La jupe aura fait une petite heure.

Ce qui est désagréable, c’est que chaque journée ressemble à la précédente et qu’on sait qu’on ne pourra pas profiter du soleil parce que dès qu’il se pointe, le temps de récupérer la paire de lunettes solaires qui atterrit toujours au fond du sac à mains, un gros nuage fait son entrée et stagne au dessus de la cour pendant une heure. Encore loupé. Le truc, c’est que ça rend le Belge ultra positif par rapport à la météo, dès qu’il fait plus de 15° et qu’il ne pleut pas, il sort en Marcel et en short et se fait bronzer sur sa terrasse. Au bout de dix jours, on est presque devenus comme ça, on a presque oublié la chaleur écrasante du Vaucluse en juillet, pire, on se met à avoir envie d’une journée de chaleur pour pouvoir tomber la chemise. Ce n’est pas une légende, le français en vacances n’est jamais content. Ceci dit, les étés en Belgique sont tout de même très particuliers.

Je me souviens de la dernière année de chaleur, la même qu’en France, 2003 avec sa fameuse canicule qui a sucré aux travailleurs leurs lundi de pentecôte. Cette année là, j’avais réservé un appartement à la côte pour passer une semaine tranquille, la première semaine de juillet. Il a fait 18° tout le long, avec du vent et de la pluie, j’ai tué le temps comme je pouvais en écumant les Luna-Park. A mon retour, il s’est mis à faire chaud et ça a perduré pendant trois semaines. Les gens n’étaient pas contents non plus, trois semaines de beau temps en Belgique, ça inquiète vite, d’ailleurs, cette canicule, tout le monde s’en souvient : « qu’est-ce qu’on mourait de chaud ». C’est vrai, la Belgique, c’est bizarre, soit il fait trop froid, soit il fait trop chaud, y a pas vraiment de juste milieu. Moi, en 2003, j’ai passé deux semaines à monter des meubles par 40° à l’ombre et j’ai trouvé ça formidable, mais ça doit être mon côté masochiste qui parle. Depuis, tous les étés sans exception ont été pourris. Ici, quand il fait sec trois jours d’affilée, on s’en souvient longtemps après, tellement qu’on déforme la réalité avec le recul. Hier soir, ma mère évoquait l’été 2006, souvenirs tristes mais néanmoins nostalgiques des aller-retours en bus jusqu’à l’hôpital par 27° au mois de juin. Souvenirs dégoûtés de ce mouroir appelé « soins intensifs » où la clim peinait à ralentir l’agonie des malades. Ma mère ne se souvient que trop bien de cette chaleur poisseuse qui rendait son front moite. Son front, le front de mon père. Moi, je me souviens surtout de cette pluie battante du 16 août sous laquelle j’ai couru sans regarder devant moi pour rejoindre le parking où était garée la voiture, pour fuir la bêtise de ceux qui n’ont pas de respect pour ceux qui restent. Il faisait froid, quand je suis rentrée à la maison, la pluie avait infiltré jusqu’à mon soutien gorge et je me suis déshabillée entièrement avant de me glisser dans un peignoir et de boire trois bières coup sur coup à même la cannette.

Chaque souvenir est imprégné du temps qu’il faisait ce jour-là. C’est bizarre, on oublie tout un tas de choses mais pas la couleur du ciel, la moiteur de la peau sous les vêtements, les mains gelées au fond des poches. En 2001, j’ai travaillé dans un hôtel restaurant du quartier Outremeuse, probablement l’été le plus lourd de ma vie, l’orage faisait tourner la crème dans les petits pots à lait que je servais avec les cafés, les clients faisaient la gueule. Les éclairs ont même niqué l’antenne de la télé et court-circuité tout l’hôtel, toute la glace a fondu. Trente kilos de crème glacée maison à balancer à la poubelle, et les mouches en ont eu pour leur argent. En 2002, il y avait une coupe du monde de Football, ou un Euro, je ne sais plus. Tout ce que je sais c’est que les Belges avaient passé les huitièmes de finale, l’exploit. Dans les rues de Liège, les supporters vêtus de rouge et de jaune se sont massés pour fêter la victoire de leur équipe à coup de Jupiler, le carré grouillait d’une masse informe de fans de foot tout suants, je leur ai échappé pour courir me rafraîchir la tête au bord de la Meuse. La nuit, il fait froid, même en été. J’ai attendu que le soleil se lève en grelottant dans le manteau que m’avait prêté le type qui m’accompagnait cette nuit là. En 1989, j’ai pris le train à Bressoux pour aller au Cap d’Agde pour la première fois, là aussi, il faisait beau. Et quand en 1998 mon professeur de français a été inhumé, il pleuvait de tristes larmes collantes. De 2010 à 2011, sur les quais de la gare d’Ans, le vent a piqué nos oreilles, nous poussant hors de ce pays où nous revenons toujours malgré tout.

Si vous aimez faire la fête, il faut venir fêter le 15 août à Liège. Pourquoi le 15 août ? Personne n’en a plus la moindre idée, tout ce que l’on sait c’est qu’en Outremeuse, du 13 au 16 août, on boit, on bouffe et on gerbe en choeur. Il y a des défilés avec des marionnettes géantes folkloriques, un semblant d’animation foraine et des restaurants ouverts nuits et jour. Il y a aussi beaucoup à boire : de la bière, du Péket (spécialité Liégeoise à base de genièvre), du vin, de la vodka, tout ce que vous voulez. Tout, sauf du beau temps. De mémoire, tous les ans, le 15 août, il fait dégueulasse. Le matin, on se dit que ça va le faire alors on n’emporte pas de parapluie parce que de toute façon, avec la foule, ça encombre plus qu’autre chose. Une fois que le défilé commence, le ciel devient tout noir et il fait d’un coup très très chaud. Puis la première marionnette apparaît et trois gouttes tombent. Trois minutes plus tard, c’est le déluge et ça dure jusqu’au lendemain soir. Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça et tout le monde s’en accommode, un 15 août à Liège sans un gros orage n’est pas un 15 août à Liège. Paradoxalement, vous pourrez parfois visiter Liège en novembre par 28° et sortir avec seulement un petit pull le jour de Noël. La seule donnée qui ne varie pas, c’est qu’en été, il ne fait jamais beau plus d’une semaine.

Et pourtant, on fait avec, c’est même devenu une sorte de jeu. Tous les matins on essaie de deviner à quelle heure pile il se mettra à pleuvoir. On devient doués, hier on avait même un quart d’heure d’avance. Le plus drôle dans tout ça, c’est que ça fait partie de l’ambiance locale. Quand je vivais en Belgique, je détestais la pluie, c’était la pire chose qui pouvait arriver sur une journée et je restais cloitrée chez moi en attendant que le temps se remette. Comme il ne se remettait jamais, il s’en est fallu de peu pour que je finisse ermite. Depuis que j’ai migré dans le sud, je songe à la pluie avec une pointe de mélancolie. Surtout quand il fait 40° pendant une semaine, je me mets à fantasmer sur d’énormes orages tonitruants accompagnés de gouttes d’eau grosses comme le poing qui viendraient rafraîchir les fins de soirées. Mais lorsqu’il pleut dans le sud, c’est pendant dix minutes, le temps de détremper ton linge qui sèche et de rentre le sol tout bourbeux, ça ne rafraîchit cependant absolument rien.

Ce matin, il faisait gris, à midi, quand j’ai voulu profiter du soleil pour aller cloper dehors, il s’est mis à pleuvoir très fort et maintenant que je suis attablée à l’intérieur coincée par le devoir d’écrire un article pour vous dire que j’ai mangé une pomme, il fait beau. Quand j’aurai fini cet article et que je voudrai profiter de la fin de la journée en prenant un peu l’air, il y aura un orage. Demain, j’ai rendez-vous chez l’ophtalmo (parce qu’en Belgique, pas besoin d’attendre un rendez-vous pendant 6 mois), je suis absolument persuadée qu’il va faire absolument dégueulasse, c’est évident, je dois traverser la ville et je n’ai pas de chaussures fermées. Les français en vacances ? Jamais contents !

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6 Responses to “Demain il pleut”

  1. Ophélie dit :

    Haaa la limace, en effet, c’est super glissant, ça m’a fait rire parce qu’il m’est arrivé EXACTEMENT la même chose il y a environ 3 ans quand j’étais encore à la fac, en cherchant des plantes pour mon herbier, en forêt par temps pluvieux. Ça a fait ziiiiiipp et comme dans les films, ma jambe est partie en avant, le reste en arrière et je me suis vautrée dans de la boue (il y avait même une petite flaque…) j’ai hésité avant de rentrer dans la voiture que j’ai complètement dégueulassée.
    Pour le temps, il est moisi ici aussi, bon après c’est l’Alsace hein, soit il pleut soit il fait 35, au choix. Là il pleut tellement que le gazon de la terrasse n’arrive pas à sécher, du coup, impossible d’aller cueillir les tomates et les fraises à moins d’abandonner les mules pour séchage. J’ai carrément songé à acheter des mules en caoutchouc.

    • Grégoire annie dit :

      Oui des mules en caoutchouc, c’est pratique, y’a aussi les fameux « crocs » (ou imitations) avec des petits trous – modèles été et hiver avec fourrure – et les incontournables bottes, plus ou moins hautes, de couleurs diverses, unies ou à motifs, chicos même. Bref, pour le jardin, plein de modèles pour tous les goûts et toutes les circonstances : on aurait tort de s’en passer …

      • Ophélie dit :

        Le mieux c’est que j’ai pensé exactement à ça en écrivant mon commentaire :, va falloir que j’investisse dans des mules roses fluo !

      • Le Kebab dit :

        Tu devrais faire commerciale pour chaussures en plastique, ça fait peur !
        Plus sérieusement, c’est quand même très laid les mules en plastique o:

  2. Blah dit :

    Les français non seulement c’est jamais content, mais en plus, ça fait la gueule.
    http://www.luneville.tv/2011-07-11/sonor-ete-julien-m-a-dit.html
    (Car oui, lunéville tv, ça existe >_>)

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