Une histoire d’autoroute, de blah blah et de Magic…

J’ai envie de commencer cet article par une réflexion de pilier de comptoir qui aurait abusé de la bière : « la vie, tu vois, c’est comme les autoroutes. La grande autoroute de la vie, on roule tous dessus. Hips mon verre est à marée basse Roger »

On planifie un itinéraire bien précis et puis parfois on tente l’acte de bravoure, on prend une sortie  différente et on visite des chemins encore inconnus. On prend une bretelle et dès lors il est impossible de faire machine arrière. Chaque choix ou acte anodin en entraîne un autre et un nombre infini de ramifications s’ouvre alors devant nos yeux. La plus insignifiante des actions peut ouvrir une brèche énorme, capitale pour le reste de nos vies. Tout peut commencer dans un moment absolument dérisoire en apparence. Pour moi, ma vie actuelle avec le Kebab dépend d’une bête inscription sur un site de jeux vidéos, quelque part dans mes années lycéennes lors de l’année 2003. On est donc bien loin de ma rencontre avec mon sandwich favori qui date d’août 2009, les choses prennent racine bien profondément. Tout a donc commencé sur une banale recherche google, je crois que je cherchais quelques images et renseignements sur un jeu Gamecube. F-Zéro GX si mes souvenirs sont bons.

Hé oui, un jeu de course spatiale futuriste est le fondement de mon histoire avec le Kebab, c’est assez comique quand on y pense bien.

Puis le temps a un peu défilé, j’ai oublié ce site. Normal, je cherchais pas grand chose à la base. Une année s’est écoulée et je me suis reconnecté sur ce site bien référencé par Google. Je crois que ce soir-là, je fuyais une énième rediffusion des bronzés à la plage. Le genre de programme qui te fout un cafard gros comme un diplodocus à l’idée de revoir encore Jean-Claude Dusse sortir de la mer avec son manteau d’algues. Et là, illumination étrange, choix bizarre du cerveau humain, j’ai finalement décidé de cliquer sur l’onglet « chat » du site en question. Drôle d’idée, j’avais encore jamais testé la chose mais j’avais une heure à tuer sur le net. Alors pourquoi pas après tout ? Et puis finalement, je suis resté des années sur ce salon IRC. A parler de tout et de rien avec une bande de personnes d’abord inconnues puis progressivement familières. J’ai croisé un nombre incalculables de personnes. Parfois des discussions éclairs avec un étranger venu d’un pays lointain, quelque fois des échanges avec de drôles d’énergumènes en manque de sexe et d’affection, des rencontres du troisième type avec des boulets de compétition ou des tueurs en série en devenir. Et puis le plus clair du temps, des dialogues profonds ou légers avec les réguliers du salon qui entre temps sont devenus des personnes amicales. Je crois qu’on vient chercher quelque chose en s’installant durablement dans ce genre d’endroits : un vide à meubler, un besoin de parler, l’envie de croiser des gens différents de la vie quotidienne. Une forme d’évasion en quelque sorte. C’est de cette manière que j’ai croisé la route d’un internaute nommé blah, pseudonyme qui inspire une forme de sympathie. Et tout un lot de calembours douteux, à base de blah blah, de blahsé et d’autres qu’on ne citera pas pour éviter de faire de la concurrence aux grosses têtes de Philippe Bouvard. J’ai passé un sacré nombre de soirées et de nuits – non, il n’y a rien eu de sexuel je précise – à discuter avec blah de choses diverses et variées comme nos dernière galères affectives, de la gentillesse qui n’est jamais récompensée à juste titre ou bien de la légitimité morale du suicide de Kirby avec un personnage fraichement absorbé dans Super Smash Bros. Je ne décourage pas de le battre un jour, même si je commence à rouiller sévèrement et malgré la poussière qui commence à s’accumuler sur la Wii.

Le temps avance encore frénétiquement. Dam dam déo comme dirait ce chanteur sinistre et ultra déprimant qu’on entend partout en ce moment. Comme tout le monde j’ai abandonné ce salon de discussion. L’asphalte de l’autoroute de la vie continue d’avancer toujours plus vite. Parfois c’était moche comme des toilettes turques pas nettoyées, parfois la vie était plus agréable comme un rayon de soleil venu caresser la rétine à bord d’une voiture cabriolet, les cheveux au vent. Parfois, on se fait des frayeurs quand un touriste polonais décide de s’insérer à l’arrache sur la voie de gauche. D’autres fois, le GPS nous indique une mauvaise direction et on se retrouve perdu au milieu de nulle part. Mais bien souvent, on s’ennuie et on demande au conducteur :

« C’est quand qu’on arrive ?

- Bientôt, fiston, bientôt. Et maintenant tu te tais »

Alors, j’ai attendu. Sagement, ma ceinture de sécurité bien attachée. La gorge un peu nouée par le cuir de la sangle. J’ai attendu de nouvelles instructions du GPS. A ma grande surprise, l’indication est venue de blah qui m’invitait chez lui pour passer quelques jours et rencontrer aussi mon Kebab qui fréquentait le même site que moi. Faut savoir que notre ami blah a longtemps essayé de nous faire communiquer ensemble, sentant probablement que des affinités étaient possibles entre nous. Mais Kébab et moi sommes un peu deux grands timides associaux. Nos contacts virtuels se sont alors limités pendant quelques années à de vagues salutations de politesse. Et rien de plus. Réciproquement gênés. Il aura donc fallu blah et son invitation en Lorraine pour nous réunir enfin plus de cinq minutes, sans que l’un ou l’autre décide de prendre la fuite pour un prétexte bidon. Genre j’ai un truc imaginaire sur le feu même si je mange que du jambon et des tomates fraîches ou je dois te laisser parce que mon chien a piscine le lendemain chez le dentiste. J’ai donc rencontré blah à la sortie d’une gare. Encore et toujours les gares, je radote comme un ancien sénile qui revit son éternelle guerre d’antan. Blah m’a invité dans sa voiture, je savais qu’il avait obtenu son permis au bout de la sixième ou septième fois. L’autoroute de la vie pouvait donc s’achever à tout moment, à bord de la Twingo rouge, en coup du lapin. Blah a une conduite particulière, à la fois prudente et sportive. Faite d’accélérations et de freinages alternés, souvent entre deux vitesses. C’est particulier certes, mais il n’a jamais eu un seul accident. Contrairement à moi et ma vieille voiture insortable et honteuse

Entre temps, la barrière du virtuel était tombée et blah devenait Florent dans la vie réelle. Et je suis rentré dans sa charmante maison familiale avec ses deux étages, sa chambre aux ordinateurs, son salon lumineux, ses repas sur la terrasse, et la chambre du bas que j’ai partagé avec le Kebab pendant une semaine. C’est tout un microcosme qui vit dans cette maison aux nombreux hôtes et invités. Car Florent est entouré d’un cercle d’amis qui donnent à la maison familiale un petit goût de colonie de vacances. Dans ce groupes de geeks venus de tous horizons, on peut trouver Manu. Le type aimable et social de la bande, toujours parti dans une soirée à base d’alcool et de joyeusetés incongrues. Les soirées de Manu sont folles, on fait pipi dans des chaussures et on mène de drôles d’expériences sur les poissons rouge. Paix à leurs âmes, que le dieu des bocaux veille sur eux. Manu c’est le type qui te met très vite à l’aise quand un type réservé comme toi voit débarquer sur lui plus d’une dizaine de paire d’yeux différents. Ensuite, vous entendrez sûrement tonner la voix de Louis. Gaillard tout en barbe et en puissance vocale qui marque sa présence par un puissant « OH LES PEDES VOUS ETES LA ? » J’avoue, au début, Louis est un peu impressionnant. On se demande si on va finir par se faire manger tout cru au feu de bois, au détour d’une caverne. Mais non, rien de tout ça. C’est un type tout gentil. Pendant ce temps là, Simon vit un quart d’heure homosexuel et tente d’écouter un disque de Abba, il en faut pour tous les goûts, même les plus douteux. Au début de mon histoire avec le Kebab, dans ces balbutiements où l’on cherche encore à se rapprocher sans trop le montrer, Simon a longtemps été la personne qui débarquait au mauvais endroit, au mauvais moment. La personne qui arrive comme un cheveu sur la soupe, le grand blond avec une chaussure noire. Envie de s’embrasser langoureusement dans le noir d’une chambre enfin vide ? Simon débarque comme un charme, de la bonne humeur jusqu’aux oreilles, pour empêcher le moment fatidique et mettre un morceau de musique ringard. On lui en voudrait presque pas. Parfois, une ou deux présences féminines viennent s’insérer dans ce groupe d’hormones mâles. Les filles sont traitées comme des princesses et ces messieurs se font un plaisir de servir les caprices de ces dames. Mettez une jolie brebis dans un troupeau de béliers et vous verrez ce que ça donne ! Florent a aussi une soeur qui vaut lé détour. On se demande parfois avec le Kebab comment ces deux là peuvent être frères et soeurs tellement leurs caractères paraissent différents. Sa soeur est une princesse un peu déjantée et rigolote alors que Florent est plutôt un scientifique déjanté et rigolo. En fait, ils ne sont peut-être pas si différents que ça, en y pensant bien. Même si cette phrase pourrait les horrifier l’un comme l’autre. Et puis tout en haut de la pyramide trône le papa de Florent, surnommé à juste titre le Magic Dad. Le papa que tout le monde aimerait bien avoir je crois, toujours prêt à nous accueillir avec plaisir. J’ai même eu droit à quelques verres de vin à table c’est la classe. Parfois la maison est remplie à ras bord et des voix sortent avec bruit de tous les murs. Mais quelque part, c’est tout ce qui fait le charme de cette chouette maison où il fait bon vivre. Ca circule, ça bouillonne de vie et de bonne humeur. Et puis, c’est dans ces murs que j’ai commencé mon histoire avec le Kebab. La maison a donc un charme tout particulier à mes yeux. Et je vois la chambre du bas, où on a commencé à se lancer dans le vide sans élastique, avec une forme de nostalgie. Je pense à Jimmy, notre voisin de chambre, qui nous faisait des allusions graveleuses quand on osait encore rien faire et qui n’a plus jamais rien dit une fois qu’on était passé à l’action. Ah ah.

En général, les gens jouent à Magic là-bas. C’est une forme de passe-temps sacré qui se joue dans un silence à la fois religieux et concentré. On rigole pas avec Magic, les parties sont des affaires sérieuses qui demandent un intense effort de réflexion. Pierrot essaie d’expliquer les règles aux nouveaux venus qui découvrent, il tente de montrer avec application les petites subtilités du jeu. Mais bien vite les choses s’emmêlent et l’exposé cohérent de Pierrot est perturbé par des forces extérieures qu’il ne peut contenir. Florent essaie de commenter par dessus Pierrot en ajoutant une autre règle hyper complexe sur laquelle se superpose un débat tactique sans fin sur l’utilité d’un sort obscur. Les deux finissent par s’embrouiller, t’embrouillent par la même occasion, et tu finis par jeter l’éponge quand la discussion animée s’achève sur un « OH LES PEDES C’EST PAS FINI ? » de Louis. Voila c’est un sort de pédé, c’est ce que tu retiens finalement de l’utilisation de la carte en question. Du coup, tout ce que j’ai compris dans Magic, c’est qu’on a des terrains à poser et qu’il faut jouer ces cartes dans un ordre bien précis, sinon c’est pas bon. Mais je désespère pas d’apprendre à jouer un jour, pour de vrai. Les jeux de société animent agréablement les soirées restantes. J’ai appris quelques jeux bien sympathiques et à ma grande surprise, le noob que je suis parvient à se débrouiller pas trop mal. Je fais partie de ces joueurs qu’on ne soupçonne pas vraiment. J’ai l’air un peu naif, voire pas malin, je mets quelques tours à comprendre les mécanismes du jeu. Et puis de fil en aiguille je creuse mon trou : « Ah cette carte permet de buter toute ton armée ? Ah c’est cool alors, je vais faire ça. » Et finalement, j’arrive sans doute pas à gagner une partie mais je me classe plutôt bien en fin de jeu. Je laisse les autres se tuer entre eux et j’avance mes pions en silence. Florent aime bien nous occuper aussi, même si on est quand même de grandes larves inactives et irrécupérables. Tu nous donnes un canapé, tu nous laisses nous vautrer dedans et tu viens parler un peu avec nous de façon posée et on est tout à fait comblés. On n’en demande pas beaucoup et en plus on prend pas beaucoup de place dans une couverture. Parfois, Florent a du mal à concevoir notre inertie constante, il tente bien de nous occuper en nous montrant sa tournée matinale de blogs humoristiques – que je ne comprends pas toujours – en nous faisant jouer au dernier petit jeu agréable addictif qu’il a découvert. Et puis parfois, blahsé par tant d’immobilisme, il se résigne à nous laisser en boule dans un coin, avec un disque de K.T Tunstall, sa déesse incarnée sur Terre. Il nous a fait le coup une fois, il nous a abandonnés avec une bière et un disque de la chanteuse, pensant nous faire fuir à toutes jambes sans doute. Sans qu’il le sache, ce fut un de nos premiers grand rapprochement, KT Tunstall a des pouvoirs magiques et aphrodisiaques encore insoupçonnés.

Florent écrit des choses aussi, comme nous. Avec ses petits doigts carrés diront certains. Moi, je vois pas trop en quoi ces doigts peuvent avoir un quelconque rapport avec un quadrilatère. Sa collègue de boulot n’apprécie pas son travail littéraire à sa juste valeur. Elle est assez dédaigneuse apparemment, j’irais même jusqu’à dire frigide et austère comme une vieille porte d’église oubliée. Personnellement, j’aime bien lire les histoires sans queue ni tête de Florent et je trouve même qu’il s’est bien amélioré depuis ses premières tentatives. Au final, on est sans doute les quelques irréductibles à lire ce qu’il écrit, tout comme lui nous suit encore d’un oeil averti. Tout compte fait, c’est quelqu’un qui est toujours là malgré tout. C’est vrai qu’on est plus vraiment sur internet, que les moyens de communication moderne nous dépassent un peu (arg Facebook, le téléphone portable ouille ouille) et que la vie nous rattrape pas mal ces derniers temps. Mais ça fait toujours plaisir d’avoir des nouvelles et pourquoi pas se revoir également. Parce que grâce à toi, petit homme aux cheveux blonds vénitiens, ma vie a pas mal changé ces derniers mois. J’ai trouvé la pièce manquante de mon puzzle. Florent en cupidon des temps modernes, qui l’eût cru ?

Et les gentils vaincront un jour, m’as tu bien compris, hou hou !

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4 Responses to “Une histoire d’autoroute, de blah blah et de Magic…”

  1. Cédric. dit :

    Je ne vous oublierais pas.

  2. Blah dit :

    Hum. Bonjour Cédric?

    Heureusement que la magie de K.T Tunstall est là pour assurer le coup. Un jour, j’arriverai à prouver que cela réduit les risques de cancer et rend plus intelligent =)

    Et mes doigts carrés te prennent quand ils veulent à smash ! :D (J’avais oublié Kirby, ahah, good times)

    Ha au fait, la prochaine fois que vous venez, j’ai prévu un marathon, l’escalade d’un volcan, la traversée de l’Atlantique à la nage et un peu de saut à l’élastique pour vous occuper =)

  3. Max dit :

    Jveux bien une revanche la prochaine fois ouais (ptetre pas la traversée de l’Atlantique par contre xD )

    Qui sait, ptetre que je suis pas trop rouillé même, smash c’est comme le vélo, ça s’oublie pas !

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