Il était une fois

Connaissez-vous le jeu de société « il était une fois » ?

Nous avons découvert ce petit jeu bien sympathique l’année dernière chez Florent. Le principe de la chose ? Vous avez en mains plusieurs cartes avec des mots écrits dessus et une carte avec une fin d’histoire. Le but ? Vous débarrasser de vos cartes en racontant une histoire tout en incluant les mots que vous possédez sur papier et tenter d’amener le récit vers la fin que vous tenez entre les mains. Les autres joueurs pourront prendre la main et continuer l’histoire s’ils possèdent une carte contenant un des mots que vous avez cité dans votre narration. J’explique assez mal le concept, allez-y lynchez-moi si ça vous amuse, il se pourrait que j’aime ça.

Pourquoi vous parler de ça, maintenant, alors que nous n’avons pas joué à ce jeu depuis plus d’un an ? Hé bien parce que nous sommes hantés par l’histoire du porc effrayé ! Rien à faire, on a beau le renvoyer au plus profond des abysses de nos souvenirs, il se repointe quand on y pense le moins, et ça nous est encore arrivé ce matin sous la douche alors que nous essayions de déterminer à quoi nous faisait penser l’odeur de notre nouveau gel douche.

Tout a commencé le 23 janvier 2009 à 23 heures, plus ou moins. Nous étions sept autour de la grande table à manger de Florent, enfin sept, huit ou neuf en fait, je ne me souviens plus bien, mais j’avais envie de dire sept parce que c’est un chiffre qui revient souvent ces temps-ci. Bref, il y avait des burritos, 9 litres de bière et Manu était parti bouder ailleurs pour je ne sais quelle obscure raison. Florent a toujours ressenti ce besoin de nous occuper coûte que coûte, même s’il doit savoir avec le temps que nous n’avons besoin de rien si ce n’est d’un lit voire d’un canapé ou d’une chaise pour nous sentir bien. Mais Florent est comme ça, il ne reste pas en place et stresse à l’idée que ses invités, tout pantouflards qu’ils soient, puissent tourner en rond. C’est pour ça que Florent a des jeux de société, pour occuper ceux qui ne jouent ni à Magic, ni à Smash Bros. Ce soir-là, après nous avoir tous ridiculisés en nous proposant une partie de « mem pakap » où Fabien a terminé dans la baignoire à s’oindre les orteils avec de l’huile d’olive, il a sorti « il était une fois ».

« Il était une fois » est un jeu auquel je ne participe pas volontiers mais que j’aime beaucoup suivre. En effet, j’aime écouter les délires des autres, mais j’ai beaucoup de mal à reprendre la main, peut-être parce que j’ai envie de savoir où le narrateur va m’emmener. Ce soir-là pourtant, j’avais raconté ma petite histoire, celle du Colonel Fabien (encore lui) qui s’en va aux putes avec le lapin blanc. Florent et Fabien (ENCORE), futurs romanciers à succès avaient repris la main jusqu’à tourner le récit à leur sauce, j’avais perdu pied et les avais laissés terminer. C’est alors qu’un nouveau tour a commencé. Louis, un charmant garçon tout barbu qui parle fort et qui appelle tout le monde « jeune pédé » ou « mon petit coeur » avait carte blanche. Enfin, pas tout à fait, dans sa main, il y avait les mots « porc » « effrayé » et « maudit ». Louis est un peu une brute de décoffrage, on l’aime comme ça, il avait compris le principe du jeu et n’avait pas cherché à romancer outre mesure. C’est ainsi que débuta son récit :

Il était une fois… Un PORC. Et il était effrayé… Et il était vraiment, vraiment… MAUDIT.

C’est là que les autres l’ont arrêté tout net en disant qu’il exagérait, qu’il n’y mettait pas du sien et qu’il plombait le jeu. Certes, mais nous, on aurait bien aimé connaître la suite et comprendre pourquoi le porc était si effrayé. Tout de même, il en faut beaucoup pour foutre la trouille à ce genre de bestiau. Depuis, cette histoire nous obsède et revient sur le tapis dès que nous évoquons les porcs, Louis et les malédictions. Il est temps de mettre fin à cette angoisse, il est temps d’achever l’histoire de ce brave animal. Mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis va se dresser la suite de l’histoire du porc effrayé de Louis. Un petit exercice d’écriture automatique qui pourrait bien s’avérer plus ardu qu’il n’y parait.

*le Kebab prend une grande inspiration et bloque quelques instants l’air dans ses poumons avant de le souffler par la narine droite, parce que la gauche est bouchée, c’est ça d’être allergique aux chats !*

Il était une fois un porc. Et il était effrayé. Et il était vraiment, vraiment maudit. En effet, le porc dont question venait de passer la pire journée qui soit. Réveillé de bonne heure par les infâmes porcelets de la porcherie voisine qui hurlaient comme des porcs qu’on égorge pour que leur truie de mère daigne les laisser téter ses mamelons, il n’avait pas eu le temps de traîner sur sa paille avant de se retrouver sur ses quatre pattes. La matinée débutait mal, il faisait un froid de canard, le genre à vous filer la chair de poule. Le porc n’aimait pas le froid, lui préférant la pluie, elle au moins ne gelait pas les grandes flaques de boue dans lesquelles il aimait se rouler des heures durant. Il devait pourtant faire avec, et consentir à aller prendre son petit déjeuner à l’auge commune sans avoir pu prendre de bains. Cela mettait le porc dans une humeur noire, il était plutôt solitaire et aurait préféré manger sa bouillie à l’abri du regard de ses voisins, surtout en temps de boue glacée. Son premier bain était d’une importance capitale, sans lui, il se sentait tout nu, tout propre et n’était pas dans un état d’esprit propice à échanger avec ses semblables. Il avait donc cherché à les éviter à tout prix et avait attendu patiemment, caché derrière une botte de foin que les autres porcs aient pris leur repas.

Une fois seul, le porc, affamé, s’était rué vers son auge et, à sa grande déception l’avait trouvée vide. Vide ? Pas tout à fait, un rapide coup d’oeil lui permit de déceler, au fond du récipient crotté, une anomalie. Terré dans le coin gauche de l’auge se trouvait un crapaud. Le porc, décontenancé, avait tout d’abord feint l’indifférence et avait cherché à s’en retourner sans demander son reste. Mais le crapaud lui avait sauté sur le groin et s’était mis à proférer des insultes : « Stupide goret, pourquoi diable ne t’es-tu pas essuyé les pattes ? Tu vois bien que tu salopes tout ». Le porc en était tout retourné, quelle bizarrerie avait poussé ce batracien à lui sauter à la gueule de si bon matin ? Et comment se faisait-il que ce crapaud s’exprime aussi bien dans la langue des cochons ? Il s’était frotté les yeux et s’était assis pour bien s’assurer du fait qu’il était réveillé. Souvent, le porc avait des nuits agitées et rêvait qu’il passait de mauvaises journées, il les craignait comme la peste. Sa principale crainte était qu’un élément perturbateur vienne empiéter sur sa quiétude. Lorsqu’un évènement hors du commun se pointait à l’horizon, le porc cessait de dormir des jours durant, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais c’était comme ça !

Le porc était bel et bien éveillé, il prit une grande inspiration et baissa la tête en rougissant, il était gêné.

« Toutes mes excuses monsieur le crapaud, j’ignorais que vous aviez déjà passé le balai au pied des auges, j’ignorais d’ailleurs que le ménage était une tâche qui incombait aux crapauds, j’ignorais aussi, jusqu’à ce que ne vous me sautiez sur le groin, que les crapauds existaient. Et , puisque nous y sommes, comment sais-je que vous êtes un crapaud ? Cela aussi je l’ignore, monsieur le crapaud »

Le crapaud le fixa un instant et éclata de rire en tapant fort du pied, les chatouilles que provoqua ce tapage firent éternuer le porc qui de ce fait envoya valser le crapaud contre le mur. Suite et fin du batracien ! En lieu et place de l’impact, le porc avait observé une grosse tache de sang tout épais. Il venait de tuer un innocent technicien de surface et le stress n’avait pas tardé à prendre possession de lui. Il fallait coûte que coûte qu’il masque son crime afin que les autres porcs ne le remarquent pas. Bien sûr, il avait l’intime conviction qu’un crapaudicide lui vaudrait, dans le pire des cas, quelques railleries, mais il ne voulait en aucun cas se faire remarquer, c’était un porc réservé. C’est pourquoi il renifla le cadavre du crapaud un instant avant de l’avaler et de lécher consciencieusement le mur. Une fois sa tâche achevée, le porc, pas tout à fait repu mais tout de même assez pour avoir la force de se mouvoir, avait décidé d’occulter son crime et de passer à autre chose.

Sa seconde passion, après les bains de boue consistait à s’allonger sur le dos et à regarder les branches des arbres se mouvoir sous l’effet du vent, c’était un porc contemplatif. Il aspirait au calme et à la méditation, le reste, tout le reste, lui donnait des aigreurs d’estomac. Manger un crapaud mort écrasé par sa faute n’avait pas failli à la règle. A peine s’était-il allongé sur le dos que son ventre émit d’ignobles gargouillis. Le porc avait l’habitude, il décida donc, encore une fois d’occulter la chose et de penser à la liste des tâches de la semaine, c’était un porc méthodique. Ses réflexions finirent par avoir sur lui un effet soporifique, il s’endormit et rêva que les crapauds gouvernaient le monde. Au bout de seulement dix minutes, il s’aperçut qu’il était réveillé et que dansait sur son groin un second crapaud. Ce dernier ressemblait à s’y méprendre à celui qu’il avait balancé contre le mur, au détail près qu’il ne s’était pas encore changé en bol alimentaire.

Les crapauds semblaient tous sortir du même moule, celui-ci s’était aussi mis à hurler : « Connard de gros porc, t’as tué mon père, je vais te le faire payer ». Que d’impolitesse, le porc détestait l’incivilité, il y répondait par une profonde indifférence. Il ne salua pas le crapaud, secoua la tête de gauche à droite pour le désarçonner et le goba tout vivant qu’il était. C’en était trop, il allait devenir cinglé. Il n’avait jamais vu de crapauds auparavant et voilà que deux spécimens de la race avaient décidé de lui pourrir sa journée. Il commençait à devenir paranoïaque et se dit qu’il valait mieux qu’il ne se rendorme pas sous peine d’être à nouveau réveillé par l’un de ces fâcheux. Il allait bientôt songer à changer de ferme, de toute façon, personne ne semblait l’apprécier par ici, c’est à peine si on le saluait le matin. Oui, c’est ça, changer de ferme, il n’y avait plus que cette solution d’envisageable, quel pétrin.

Le porc avait rêvassé, songé aux vergers voisins avec la ferme intention de partir y croquer des pommes dès la fin de l’après midi quand s’était dressé, sur son groin un troisième crapaud. Celui-ci n’avait pas perdu de temps, il n’avait pas laissé le choix au porc et lui avait ficelé les pattes pendant sa rêverie. Il tenait dans sa main un petit bâton et faisait de grands gestes avec ses bras. Le porc avait essayé de l’envoyer valser, mais le troisième crapaud, plus inspiré que les précédents s’était cramponné. Il dit au porc d’une voix posée :

« Toi qui as assassiné mon père et mon frère, sois maudit à présent, sois contraint à errer seul avec sur la conscience, le génocide de ma famille ».

Le porc s’était mis à pleurer à chaudes larmes et avait imploré le crapaud mais ce dernier n’avait rien voulu entendre, il l’avait maudit pour de bon et le porc était désormais mort de trouille.

Voilà, je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure explication possible à l’effroi de ce pauvre animal, mais c’est la première chose qui m’est passée par la tête. Si d’aventure, il vous venait à l’esprit une autre histoire pouvant expliquer la terreur du porc, bien sûr, vous pouvez venir me la raconter. Mais sachez, lecteurs, que ce billet bien improbable me permettra, au contraire du porc (pauvre de lui), de dormir ce soir sur mes deux oreilles.

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5 Responses to “Il était une fois”

  1. Grégoire annie dit :

    Le porc : quel animal merveilleux, il devrait faire l’objet d’un culte lui qui nourrit une bonne partie de l’humanité. Un animal qui nous ressemble au point que l’on envisage de nous greffer son coeur.
    Animal pourtant maltraité entre tous, considéré comme impur par certains inconscients, objet de toutes sortes de répulsions et dont le nom est une injure au bon goût. Et pourtant, nous qui savourons ta chair jour après jour, devrions te respecter tel un dieu vivant, sacrifié sur l’autel de notre gourmandise.

    Comme je t’aime, mon cochon !

  2. Blah dit :

    Pourquoi ? Comment ? Où ? Quand ? Combien ? Et « qui sont les responsables de la crise économique ? » sont toutes des questions valables en elles mêmes. Mais aucune n’est adaptée pour résoudre l’insondable mystère entourant le rose quadrupède. Enfin si. Mais essayer donc de parler de la chute du CAC 40 à un cochon détalant plus vite que les cours de la bourse ne dégringolent. Vous devrez le rattraper d’abord, ce qui, comme tous les investisseurs ayant perdu gros ces derniers temps, n’est guère aisé. Qui aurait pu croire que la paresseuse mascotte de Wall Street, passant son temps à se prélasser dans son bain de boue perpétuel en plein centre des affaires, pouvait se déplacer à une telle vitesse ? A ce stade, il n’avale plus les kilomètres, mais se goinfre carrément avec. Vous l’aurez compris, si les affaires courantes ne marchent plus, ce n’est pas le cas Piggy Bank, qui fuit à tout allure sa prison dorée. Suite à la perte inattendue de leur animal aussi fétiche que le sou de Picsou, les golden boys et les platinum girls ont cédé à la panique la plus totale, vendant massivement leurs actions et provoquant l’effondrement du marché. Il va s’en dire que les courtiers se questionnent jour et nuit sur l’énigmatique destin de leur animal porte-bonheur, les privant de leurs trois heures de sommeil quotidiennes. Il est inutile de vous préciser non plus que les nombreux nouveaux licenciés maudissent actuellement son nom. Avec un total de deux millions d’emplois liquidés de part le monde, la fuite de Piggy a trainé l’économie dans la boue, et ce, malgré les impressionnantes liquidités réinjectées par les états dans le système. Tout de suite, nous recueillons les impressions des gens bons, avec notre micro-trottoir.

    Journaliste> Monsieur ? Pour CNN ?
    Passant> Oui ?
    Journaliste> Que pensez vous de « l’affaire Piggy » ?
    Passant> Pour un porc, il nous a bien foutu dans la merde !
    Journaliste> Selon vous, quelles sont les raisons de sa fuite ?
    Passant> Tout le monde y va de sa théorie, mais je vais vous dire, personne n’en sait rien ! Je n’ai pas envie de dire d’âneries sur ce cochon.
    Journaliste> Une idée pour arrêter sa folle course peut être ?
    Passant> Ha ! Si j’en avais une, je serai riche ! Et vous aussi !

    Et nous voilà de retour en studio. CNN vous prie de l’excuser pour le peu de témoignages recueillis mais nous sommes, comme vous vous en doutez, en pleines restrictions budgétaires. Nous terminerons ce reportage par un tour de table ronde dans le bureau ovale, car, comme chacun le sait, celui à la tête de la pyramide est probablement le fan numéro 1 de l’animal. Le président à réaffirmé que l’usage de la violence contre le cochon capitaliste sera punie de la peine capitale, en déclarant que « Personne ne rentrera dans le lard de son Piggy ». Il a ajouté que d’autres solutions sont à l’étude mais que pour l’instant, aucune n’avait retenue son attention, les traitant de véritables « tours de cochon ». Si personne ne sait comment finira cette histoire rocambolesque, la légende de Piggy, le fléau financier, se forge déjà dans toutes les cultures. Les versions diffèrent, mais elles commencent toutes de la même manière :
    Il était une fois… Un PORC. Et il était effrayé… Et il était vraiment, vraiment… MAUDIT.
    C’était Florent Javaisuneheureaperdre, pour Cochon News Network.

    • Le Kebab dit :

      Ouah, merci d’avoir joué le jeu ! Une nouvelle version du porc effrayé, décidément, ce pauvre Piggy sera tourmenté jusqu’à la fin. Bon, en même temps, il l’a bien cherché, il avait qu’à être moins maudit après tout !

  3. Max dit :

    Ah ah content de te lire Florent, je pensais pas que quelqu’un donnerait sa version de l’histoire. Bien sympa aussi avec son lot de jeu de mots à la blah old school GK.

    Je suppose que les insomniaques à moins de trois heures de sommeil par nuit c’est un peu nous xD

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